...et autres rêves
Par Catherine Delhom
Il y a longtemps je me disais qu'en mai je ne bougerais pas d'ici, que je regarderais, peindrais.. tout ce que je verrais. Et c'est encore loupé, le temps passe trop vite (et les années, la vie...).
Les choses s'enchainent, un projet de vacancettes à venir, quelques obligations et ... un zona !
La glycine a explosé, sur les côtés car le dessus a eu un coup de froid.
C'est une ancêtre qui avait déjà "ben dans les 60 ans que j'la plantée avec mon pèrrrre", dit il y a 30 ans par notre voisin de l'époque, Lili... et pendant qu'on regardait la glycine et qu'on jouait avec le Caramel le chat d'Yves, l'autre voisin, on a oublié de regarder la charpente, un peu maquillée par le vendeur...
Elle fait beaucoup de bois et sa croissance comme toute liane est très féroce, il est donc fortement déconseillé d'en planter sur une construction, elle arrache tout... je vais devoir faire restaurer l'arche à 4 pieds qui est cassée par endroits (c'est son 3ème support "historique" )
le vieux bois pourri abrite l'abeille charpentière ou Xylocopa violacea (lien) ou bourdon noir, bourdon bleu, un pollinisateur... mais j'en vois moins depuis quelques années.
Le passage sous la glycine me sert à abriter les plantes en pots l'été, et quelques fougères et autres plantes d'ombre.
une belle fougère d "'écoute s'il pleut"...
Houx panaché femelle de l' Arboretum des houx /ilex à Meung-sur-Loire , Polygonum -Muguet de cheval
et un Weigelia rose dont je n'ai pas le nom de cultivar...
de Colette, "Pour une herbier" 1948
J’espère bien qu’elle est encore vivante, qu’elle le sera longtemps, cette despote au moins deux fois centenaire, florissante, incoercible, la glycine qui hors de mon jardin natal s’épanche au-dessus de la rue des Vignes. La preuve de sa vitalité me fut apportée l’an dernier, par une alerte et charmante pillarde aux cheveux blancs… Une robe noire, une blanche chevelure, une agilité de sexagénaire : tout cela avait sauté, dans la rue des Vignes déserte comme autrefois, jusqu’à atteindre et dérober un long lien terminal de glycine, qui acheva de fleurir à Paris, sur le lit-divan où me tient l’arthrite. La fleur en forme de papillon détenait, outre le parfum, un petit hyménoptère, une chenille arpenteuse, une coccinelle heptapunctata, le tout en provenance directe, inespérée, de Saint-Sauveur-en-Puisaye.
Pour dire le vrai, cette glycine, à qui je trouvais, sur ma table-banquette, une fragrance, une couleur bleu mauve, une attitude quasi reconnaissable, je me souviens qu’elle fut de mauvais renom, tout le long de l’étroit empire borné par un mur, défendu par une grille. Elle date de très loin, d’avant le premier mariage de Sido ma mère. Sa folle floraison de mai, sa résurgence maigre d’août septembre embaument les souvenirs de ma petite enfance. Elle se chargeait d’abeilles autant que de fleurs, et murmurait comme une cymbale dont le son se propage sans s’éteindre, plus belle chaque année, jusqu’à l’époque où Sido, penchée curieusement sur le fardeau de fleurs, fit entendre le petit « Ah ! Ah ! » des grandes découvertes attendues : la glycine commençait à attacher la grille.
Comme il ne pouvait pas être question, dans l’empire de Sido, de tuer une glycine, celle-ci exerça, exerce encore sa force réfléchie. Je l’ai vue, soulever, brandir en l’air, hors des moellons et du mortier, un imposant métrage de grille, tordre les barreaux à l’imitation de ses propres flexions végétales, et marquer une préférence pour l’enlacement ophidien d’un tronc et d’un barreau, qu’elle finit par incruster l’un à l’autre. Il lui arriva de rencontrer le chèvrefeuille voisin, le charmant chèvrefeuille mielleux à fleurs rouges. Elle eut l’air d’abord de ne pas le remarquer, puis le suffoqua lentement comme un serpent étouffe un oiseau.
J’appris, à la voir faire, ce qu’est sa puissance meurtrière, qui sert une convaincante beauté. J’appris comment elle couvre, étrangle, pare, ruine, étaye. L’ampélopsis est un petit garçon, comparé aux spires, ligneuses dès leur premier âge, de la glycine.
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